Selon l'observatoire national de la vie étudiante, l'ouverture sociale de l'enseignement supérieur se dégrade. Les enfants de cadres sont sur-représentés dans la population étudiante.
L'ascenseur social est en panne. Pour ceux qui en doutaient encore, la sixième édition de l'enquête annuelle que l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE) vient de publier met à nouveau en évidence les ratés de la démocratisation des études supérieures.
Selon l'enquête de l'OVE, réalisée au printemps 2010 auprès de 33.000 étudiants, "les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures sont surreprésentées dans l'enseignement supérieur par rapport à leur proportion dans la population active". Une surreprésentation qui s'accentue dans les filières sélectives telles les écoles de management (52 %), les études de santé à l'université (49 %), les classes préparatoires aux grandes écoles (48 %) ou encore les écoles d'ingénieurs (46 %). Inversement, les enfants d'ouvriers et d'employés "sont sous-représentés".
Aggravation
Un constat déjà connu. Mais plus inquiétante est l'aggravation du phénomène. Depuis 2006, la part des étudiants issus des milieux populaires dans l'enseignement supérieur (hors écoles de commerce et d'ingénieurs) a baissé de 35 % à 31 % alors que ceux issus des classes favorisées a progressé de 32 % à 36 %. Pis, toutes les filières sont concernées même celles à l'origine destinées à accueillir les bacheliers issus des filières technologiques et professionnelles, généralement issus de milieux modestes, comme les instituts universitaires de technologie (IUT) ou les sections de techniciens supérieurs (STS).
Dans ces cursus, la part des enfants d'agriculteurs, d'ouvriers et d'employés a reculé respectivement de 42 % à 34 % et de 53 % à 49 %. Sélectives, ces formations attirent donc de plus en plus d'enfants de cadres issus de bac généraux (qui poursuivent ensuite souvent leurs études grâce à la multiplication des passerelles), alors qu'elles étaient à l'origine conçues pour les étudiants issus de milieux défavorisés. Leur mission première se retrouve donc ainsi de plus en plus dévoyée.
30% de boursiers dans les grandes écoles
S'il convient de toujours interpréter les chiffres avec prudence, le constat est bien là : l'enseignement supérieur peine à s'ouvrir socialement. Et si depuis les années 80, l'université a accueilli le gros de la massification, les étudiants les plus défavorisés peinent à passer le cap des premières années. Au niveau master, les écarts sociaux se creusent encore. C'est donc à un véritable problème de fond que se retrouve confrontée la ministre de l'Enseignement supérieur. Pourtant, Valérie Pécresse a multiplié depuis son arrivée rue Descartes les annonces pour démocratiser les études supérieures : objectif de 30 % de boursiers dans les classes prépa et les grandes écoles, modification des épreuves des concours d'accès aux grandes écoles, plan licence avec un meilleur encadrement des étudiants, ouvertures de classes prépa réservées aux filières technologiques, rénovation de la filière STS avec plus de passerelles avec les universités, ou encore obligation désormais de créer toute nouvelle classe préparatoire en partenariat avec une université.
Pas plus tard que ce lundi, la ministre a indiqué que sur les 44 nouvelles classes préparatoires qui ouvriront à la rentrée 2011, 28 feront l'objet d'une convention avec un établissement d'enseignement supérieur et 20 concerneront la voie technologique (soit en tout 201 "divisions" technologiques sur un total de 2.207 classes prépas à la rentrée 2011). Mais cela ne règlera pas les inégalités qui se font jour -et se creusent - en amont. Récemment, une étude de l'Insee (La Tribune du 6 janvier 2011) pointait la faible démocratisation des études supérieures, malgré une massification réelle.
Selon l'Insee, sur le long terme, l'entrée dans le système de groupes jusqu'alors exclus ne conduit donc pas automatiquement à une plus grande égalité. Pourquoi ? "La démocratisation du baccalauréat prend place au sein de filières différentes qui pèsent sur l'accès au supérieur puisque certaines voies n'y conduisent pas", expliquait alors à La Tribune la sociologue Marie Duru-Bellat, citant certains bac professionnels. Malgré leur revalorisation et la communication dont ils font l'objet de la part du gouvernement, les bacs "pro" et "techno" sont apparemment encore loin de faire le poids dans le supérieur.
Source : article paru dans La Tribune.fr le 24/01/2011